On connaît Jules Lemaître comme brillant critique littéraire « impressionniste » de la fin du XIXème siècle. Moins connues sont ses oeuvres poétiques, pourtant admirables, d’une précision de graveur et d’un raffinement exquis. Lemaître, ici, dans ses portraits de femmes, croque la Parisienne frivole de la Belle Epoque.
PARISIA
Le caprice a pétri le bout de nez qu’elle a ;
Le caprice endiablé sous son front caracole ;
Le caprice a taillé son corsage qui colle,
Ses chiffons compliqués, son pouf à tralala.
Je ne sais que penser de cette fille-là,
Et la mobilité de ses yeux me désole.
Elle est boulevardière et fait des mots. La folle
Raille le sentiment et lit monsieur Zola.
Bonne et franche d’ailleurs, Mais quoi ! cette étourdie
Aime à l’excès le bal, le sport, la comédie,
Et dans son tourbillon m’emporte sans me voir.
J’adore cette enfant, et c’est là mon martyre :
Elle n’a pas le temps de s’en apercevoir
Et ne me laisse pas le temps de le lui dire.
Jules Lemaître, Les Médaillons, A.Lemerre, Paris, 1880.